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Concert de The Broken Circle Breakdown bluegrass band : le feu de joie

30 Juillet 2015 , Rédigé par Asoliloque Publié dans #écriture, #concert, #alabama monroe, #the broken circle breakdown bluegrass band, #folk

 

 

The Broken Circle Breakdown bluegrass band aux Arènes de Fourvière

 

 

La musique sauve-t-elle de la mort ? Une chose est sûre, elle ne s'adresse pas qu'aux vivants. Si Alabama Monroe a été ma plus grande rencontre cinématographique, elle fut surtout musicale, et il était écrit qu'à un moment, j'irais voir The Broken Circle breakdown bluegrass band (on respire) en chair et en os afin de passer à travers la toile de l'écran et de découvrir Verlee Baetens (Elise) et Johan Heldenbergh (Didier) sans le fard de leurs personnages. L'histoire n'avait pas prévu que je me coltine Charlie Winston après eux, mais la vie, c'est comme le roquefort, y'a forcément des trucs un peu pourris dedans.

 

Il régnait une atmosphère particulière, de celles qui n'existent que dans les concerts importants, où la communication entre les artistes et le public est naturelle et nécessaire. Personne ne cherche à séduire les autres, mais plutôt à se réconforter ; la vie est assez insupportable comme ça. La bluegrass parle des gens qui continuent d'espérer alors qu'ils n'ont plus rien, et l'espace d'une heure et quart, nous étions toutes et tous ces voyageurs lancés sur les routes à la recherche d'un feu ou d'un regard.

 

Si Alabama Monroe est un film triste par beaucoup d'aspects, c'est probablement l’œuvre la plus optimiste que j'aie vue à ce jour, et Veerle et Johan en sont convaincus. C'est pourquoi, malgré l'omniprésence de morceaux mélancoliques, c'est toujours la joie qui prime. Dans un français quasi parfait, Johan nous explique l'histoire des morceaux qu'ils jouent : « Cette chanson s'appelle The Way it goes, ça parle du fait que la vie, parfois, on peut rien y faire, et qu'il faut l'accepter.... et, je sais pas... aaarfh, allez » et la chanson part. Chassez la nostalgie, la musique se chargera de lui donner ses lettres de noblesse sans qu'on ait à s'appesantir en longs discours.

 

Un peu plus tôt, c'est Veerle qui nous raconte que petite, elle adorait Michael Jackson, tandis que son père était fan de Bob Dylan. Pour la peine, elle chantera donc Don't think twice, it's allright, la préférée de son paternel. Johan nous parle d'une histoire de trains, s'embrouille, lâche un « fuck off », abandonnant la fin du récit pour enchaîner avec le morceau concerné. Comme toujours, la musique convoque les fantômes et vient sauver les maladresses. Hors de question de se laisser dévorer par le malaise ou la peur. Même lors de Sandmountain, la musique de fin du film, Johan précise que c'est un morceau pour dire bonjour à Elise, et non au revoir.

 

Toujours la bienveillance, toujours faire attention à soigner le corps et l'âme. Quand ils s'apprêtent à chanter un gospel, Johan nous confie : « La dimension religieuse est très importante dans la bluegrass. Moi-même, je suis athée, mais j'aime cette dévotion. Je crois qu'il se passe quelque chose ». A coup sûr, si une musique est capable de dialoguer avec les esprits, c'est bien celle-ci, il ne faudrait pas s'amuser à les fâcher en les prenant de haut. La fête est également pour eux.

 

Si le groupe est totalement impliqué et sérieux dans sa prestation et ses histoires, cela n'empêche pas les petites séances de pur humour où Veerle interrompt un morceau pour ramener une glacière remplie de bières. « Désolé, on est belges, on ne peut pas passer à côté. Mais vous voyez, on boit de la bière française. Française 64, même » Un membre du public aura même le privilège de profiter d'une bouteille en trop. Soudaine ambiance estudiantine, au coin du feu, où l'on a envie de pécho l'univers, où l'on voudrait faire croire qu'on est superficiels alors que jamais le monde ne nous a paru aussi évident dans ses joies et ses peines.

 

Les minutes passent, les morceaux s'enchaînent, il se passe sans doute un tas de choses sans intérêt partout ailleurs.

 

Johan finit par nous prévenir que c'est la dernière chanson. Devant la bronca du public, il s'explique : « Moi, je suis comédien. Au théâtre, quand c'est fini, c'est fini. En musique, les gens ont inventé un truc bien cool : vous vous en allez, le public crie, et vous revenez faire un morceau. Vous inquiétez pas, on va faire ça aussi » Chose promise, chose évidemment due, malgré les horaires malheureusement peu extensibles à Fourvière. Deux chansons supplémentaires, la sublime If I Needed you (reprise de Townes Van Zandt), « Ecoutez bien, c'est la plus belle chanson du monde », et Ain't nobody gonna miss me when I'm gone, un standard de la country histoire de finir sur un morceau endiablé.

 

Car il aurait été impossible de s'en aller sur autre chose que la plus pure expression de la joie, mêlée à une virtuosité toujours ludique, toujours émotive, jamais prétentieuse ou mécanique. The Broken Circle breakdown bluegrass band, c'est l'humanité restaurée, la victoire fragile et éphémère de l'amour sur le temps.

 

Et quand on quitte les lieux, le cœur un peu lourd d'avoir été si bien rempli, on se dit sûr qu'on ne vaincra pas la mort pour autant, mais on vendra chèrement notre peau, et quand elle viendra nous chercher, on saura lui faire regretter son choix.
Elle sera alors plus malheureuse que les pierres.
Nous non.

 

 

Un live entier en écoute ici

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